Le Pre Révah-Lévy et le Dr Sibeoni, pédopsychiatres et chercheurs en santé publique du CHA, dirigent une équipe de recherche qualitative en santé et ont développé une méthode de recherche qualitative originale, spécifiquement conçue pour explorer l’expérience vécue dans le domaine médical : IPSE (Inductive Process to analyze the Structure of lived Experience).
Cette approche a déjà été utilisé dans plusieurs spécialités comme la psychiatrie, l’oncologie, la dermatologie ou la médecine du travail.
Le groupe de recherche vient d’achever une recherche sur les soins infirmiers en psychiatrie autour de l’administration des traitements “si besoin” en unité d’hospitalisation psychiatrique pour adolescents. Ce travail, mené en collaboration avec le Dr Behaghel, chef de clinique et membre du groupe de recherche, a fait l’objet de deux thèses de médecine d’anciens internes du service (Hélène Cipel et Elise Jean dans l’unité d’hospitalisation de semaine du SUP’ADO).
Il s’agissait d’explorer à partir d’entretiens semi structurés l’expérience vécue de l’administration et de la prise de traitements si besoin dans deux unités d’hospitalisation. Quatorze adolescents et douze infirmiers ont été inclus dans l’étude. En effet, la gestion de l’angoisse ou de moments d’effondrement par les adolescents est un enjeu crucial de l’hospitalisation en psychiatrie. Il était essentiel de documenter dans une démarche scientifique ce qui se joue autour de la délivrance du traitement si besoin, à la fois pour les infirmiers, en première ligne lors de la délivrance de ces traitements, qui suit un processus décisionnel complexe, et pour les adolescents, qui ont besoin de ce traitement dans un moment de grande vulnérabilité.
L’analyse de ces données ainsi collectées a produit une structure d’expérience s’organisant autour de trois axes :
- Sur le plan individuel, il implique une évaluation subjective du besoin, qui peut être difficile à partager entre adolescent et infirmier. Le nombre de délivrance permet de mesurer l’angoisse et, en diminuant les prises, l’adolescent prend conscience de sa progression vers l’autonomie.
- Sur le plan relationnel, ce traitement favorise le dialogue et repose sur une relation de confiance, où la simple interaction peut déjà apaiser.
- Enfin, au niveau groupal, demander un tel traitement expose une vulnérabilité que les adolescents préfèrent exprimer à l’écart du groupe, tandis que les infirmiers s’appuient sur une dynamique d’équipe pour ajuster leur accompagnement.
Les résultats de cette recherche mettent en lumière la dimension de care ainsi que les compétences relationnelles et le savoir-être des infirmiers en psychiatrie. Par leur accompagnement quotidien, ils parviennent souvent à proposer des alternatives aux traitements médicamenteux si besoin, en lui substituant un si besoin relationnel.
Ces initiatives témoignent d’une grande créativité et liberté professionnelle, visant à construire avec chaque adolescent des réponses individualisées à l’angoisse, soutenant ainsi leur processus d’autonomisation et d’empowerment.
Ce travail a été accepté pour publication dans International Journal of Mental Health Nursing sous le titre : “Perspectives of nurses and adolescents about Pro Re Nata treatment in adolescent inpatient psychiatric units: a qualitative study”, et sera prochainement disponible.